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vendredi 22 juillet 2016

DECES DU REALISATEUR ET ECRIVAIN CHARMES NAJMAN A 60 ANS

Frantz Duval, rédacteur en chef du quotidien haïtien le Nouvelliste, a été le premier à annoncer la nouvelle via Twitter : le réalisateur et écrivain Charles Najman est mort lundi à son domicile de Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Il avait 60 ans. Peu de non-Haïtiens connaissaient aussi bien que lui le pays, son histoire, son peuple, sa singularité, sa spiritualité et son imaginaire. Plusieurs films en témoignent, dont la fiction Royal Bonbon,couronnée en 2002 par le prix Jean-Vigo, ainsi qu’un livre majeur, Dieu seul me voit (1995).
Né en France en 1956, Charles Najman grandit dans un foyer où on parle le yiddish : ses parents sont juifs polonais. Sa mère, Solange, cousine éloignée de Rosa Luxemburg, était revenue d’Auschwitz. Son père était militant communiste. Son frère, Maurice Najman, jouera un rôle-clé en Mai 68 en fondant les comités d’action lycéens (CAL). A l’ombre de cet aîné célèbre, journaliste, agitateur politique et culturel disparu en 1999, Charles Najman tracera son chemin, qui passe par les Caraïbes. Après des études de philosophie à la Sorbonne, il découvre Haïti, encore sous la férule du dictateur Jean-Claude Duvalier. Il ne cessera d’y retourner.
Son livre Dieu seul me voit (poétique euphémisme pour évoquer la masturbation), publié en 1995, est une lecture obligée pour quiconque veut comprendre ce fragment d’Afrique qu’est Haïti. Najman y trace aussi des parallèles en écho à sa propre histoire. Comme le soulignaitLibération dans sa critique «Au Juif errant répond le Noir errant[l’esclave en fuite, ndlr], au mythe haïtien du zombi celui du Golem, aux milliers d’esclaves morts […] les victimes de l’Holocauste.»
Dans son premier long métrage, la Mémoire est-elle soluble dans l’eau ? (1996), Charles Najman suit les pas de sa mère, invitée, comme d’autres rescapées de camps, à suivre une thalasso à Evian aux frais de l’Etat allemand. Ce regard tendre et caustique sur la survie après la Shoah recevra plusieurs prix. En 1999, il part à Haïti tourner les Illuminations de madame Nerval sur un péristyle (temple) dirigé par des femmes à Jacmel, en Haïti. Le film sera récompensé par le prix Jean-Rouch. En 2002, Royal Bonbon est le premier long métrage de fiction entièrement tourné en Haïti. Suivra en 2004 la Fin des chimères ?réalisé pendant les cérémonies du bicentenaire de la première République noire de la planète. Puis, quelques mois après le séisme meurtrier de janvier 2010, Une étrange cathédrale dans la graisse des ténèbres, où le poète Frankétienne lance ses vers visionnaires au milieu des ruines de Port-au-Prince.
En 2014, Charles Najman revenait à la fiction et à l’exploration de la mémoire juive avec Pitchipoï, du nom du pays rêvé, cher aux Juifs d’Europe centrale. Qui, lui aussi, a un miroir en Haïti : «l’Afrique-Guinée», la terre mère que les fidèles de la religion vaudoue rejoignent à leur mort.
FILMOGRAPHIE

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