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jeudi 16 juillet 2015

LE FILM MUCH LOVED DEVANT LA JUSTICE MAROCAINE

La tradition musulmane veut que, durant le mois béni de ramadan, une trêve – hudna – soit observée entre belligérants. Sauf quand l’islam, aux yeux de ses adeptes, apparaît menacé. Et cette année, aux yeux de l’association marocaine dite de « défense du citoyen », la menace est un film, Much Loved, du cinéaste Nabil Ayouch, qui raconte avec une certaine crudité la vie de quatre prostituées de Marrakech. L’association a donc intenté un procès au réalisateur et à l’une de ses comédiennes, Loubna Abidar, pour « pornographie, attentat à la pudeur et incitation de mineurs à la débauche ».
La première audience doit avoir lieu ce 15 juillet à 13 heures, au tribunal de première instance de Marrakech.
En mai, suite à sa présentation à Cannes, des extraits du film piratés et publiés sur YouTube avaient provoqué au Maroc un déferlement de condamnations haineuses et de fatwas appelant au meurtre, au nom des valeurs sacrées du royaume. Résultat : le film y a été interdit.

Crispations sociales à répétition

Ni Nabil Ayouch ni Loubna Abidar ne seront présents à l’audience. « Nous n’avons pas été notifiés de la plainte et n’avons pas reçu de convocation à comparaître », fait savoir le réalisateur. Selon plusieurs sources proches du dossier, le procès a toutes les chances d’être ajourné jusqu’en septembre.
Cette action en justice s’inscrit dans un contexte de crispations sociales à répétition. En juin, deux jeunes femmes ont été arrêtées à Agadir pour avoir porté une robe « provocante ». Leur procès vient de conclure à un non-lieu pour vice de forme. Le 22 mai, trois Marocains ont été condamnés à trois ans de prison ferme pour homosexualité. Le 30 juin, une foule déchaînée a lynché un jeune travesti à Fès. Le 7 juillet, cinq jeunes ont été arrêtés à Marrakech, coupables d’avoir rompu le jeûne du ramadan en buvant un jus d’orange par une chaleur de 48 °C.
Les associations des droits de l’homme au Maroc se mobilisent contre ce qu’elles estiment être des « atteintes inquiétantes aux libertés individuelles ». Quant aux islamistes actuellement au gouvernement, ils font de la défense des « valeurs morales et religieuses » leur cheval de bataille. A quel prix ?

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